En quelques secondes, tout s’écroule

 Quand on écrit ses mémoires, ressurgissent inévitablement des moments marquants de l’existence. Lors d’atelier que j’organise régulièrement autour de l’écriture des mémoires, Tina a écrit ce texte bouleversant sur l’annonce du décès de son papa. Elle a accepté de le partager plus largement.

À cette époque, je suis l’aînée de 3 filles. J’ai 6 ans. Ce jour-là nous rentrons, avec ma sœur cadette, à la maison pour déjeuner. Il fait très beau et pourtant, nous sommes le 27 novembre 1956.

Nous profitons de l’extérieur pour jouer un peu avant de retourner à l’école. Notre mère étend le linge dans le jardin. Soudain, une sirène alerte la population d’un évènement grave survenu dans le puits de la mine de charbon, à proximité.

Dans le quartier, les familles de mineurs connaissent trop bien le son de cette sirène qui aujourd’hui, est plus puissante que d’habitude. Comme à chaque fois, les familles se mettent sur le pas de leur porte. Elles guettent l’arrêt de l’ambulance et prient intérieurement afin que le véhicule ne s’arrête pas chez elles.

Et puis c’est arrivé. Un véhicule qui entre dans la cour. Deux silhouettes s’avançant vers ma sœur et moi. Il s’agit d’une figure familière. Celle d’un de mes oncles et d’une autre personne. Ils s’adressent à moi et me demandent où se trouve notre maman.

Maman arrive en essuyant ses mains mouillées sur son joli tablier couleurs pastel. Elle a dû entendre la sirène du véhicule. Ce que je n’ai pas compris, maman l’a saisi tout de suite : ce sont deux oiseaux de mauvais augure qui viennent nous voir. L’ambulance, la présence des deux hommes signifie qu’un grand malheur vient de s’abattre sur nous.

Dans les rues avoisinantes, l’information a déjà circulé. Il y a un mort et deux blessés.

Sans un mot, simplement en regardant mon oncle, Maman comprend qu’on vient lui annoncer le décès de son mari, de notre papa. En quelques secondes, tout s’écroule.

Quelques secondes, le même temps que mon père a mis pour mourir. Ses deux camarades ont eu la vie sauve grâce à sa vivacité d’esprit et son courage.

 

En sa qualité de piqueur, mon père, extrait le charbon. Ses camarades ramassent et remplissent les wagons. Mon père a compris que le faîtage était en train de craquer et a hurlé « Sauvez-vous ! » permettant à ses deux compagnons de courir vers la sortie du tunnel.

L’échafaudage en bois s’est brisé en même temps que ses derniers mots. Et des tonnes de charbon l’ont enseveli.

« Votre mari n’a pas souffert. Il a été assommé avant d’être étouffé », a conclu le médecin légiste. Comment peut-on se consoler d’une telle affirmation.
Il venait d’avoir 30 ans.

 

Si, comme Tina, vous souhaitez vous aussi participer à un atelier « écrire mes mémoires » et également recevoir des conseils par courriel, vous pouvez m’envoyer votre prénom et nom à ecriremesmemoires@gmail.com Vous serez averti en priorité du prochain atelier.

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