Laisser une trace, c’est important pour moi
Pierre a déjà écrit ses souvenirs sur des feuilles volantes depuis plusieurs années. Idéalement, il aimerait en faire un livre pour le transmettre à ses enfants et petits-enfants. Mais ce n’est pas si simple. Pour notre site, il a accepté de livrer son témoignage* et de raconter comment il vit cette expérience.
« J’ai 81 ans. J’ai toujours pensé qu’il serait important d’écrire mes mémoires, ma biographie, notamment parce que j’ai vécu et traversé des événements historiques et il me semble important d’en témoigner. Laisser quelque chose de ma mémoire à mes enfants et petits-enfants. Il s’est passé tant de choses dans ma vie !
J’ai commencé à rédiger ce que j’ai vécu en 68. J’étais à Paris à ce moment-là. Alors, je raconte ce que je vivais personnellement à cette époque et en même temps je donne un peu du contexte historique. J’ai été directeur de plusieurs entreprises et j’ai la chance d’avoir eu une vie riche et passionnante. Alors, je veux la partager… même si c’est un peu narcissique, je pense que cela peut enrichir la vie d’autres personnes.
Bien sûr, j’ai pensé faire appel à un biographe, un peu par paresse. Mais, j’ai très vite réalisé qu’écrire un récit de vie – de ma propre vie – pouvait être une belle expérience. Et même si je ne suis pas écrivain et que je ne sais pas bien comment écrire un livre, je ne regrette pas du tout de mettre lancé dans l’aventure. Au contraire !
J’ai commencé à écrire il y a trois ans
L’idée d’écrire mes mémoires ne date pas d’hier. Cela fait très longtemps que j’y pense. Et puis le temps passe. J’ai décidé de m’y mettre il y a trois ans pour laisser quelque chose derrière moi. Laisser une trace.
J’ai déjà écrit beaucoup de passages mais je n’en vois pas la fin. Un souvenir appelle un autre souvenir alors… et puis je ne suis pas écrivain. Je n’ai pas la rigueur des écrivains. Je m’y mets quand j’en ai envie. Je me mets à mon bureau devant ma feuille jusqu’au déjeuner. Et parfois je reprends après. J’aime aussi écrire quand j’ai des insomnies. C’est un bon moment. Écrire mon histoire me fait du bien.
J’ai la chance d’avoir une assez bonne mémoire, alors j’ai travaillé chronologiquement, dans l’ordre des événements. Le fait d’avoir à écrire m’a poussé à repartager des souvenirs de périodes passées avec quelques amis, même si je n’en n’ai pas beaucoup. Ça fait du bien. Mais c’est drôle de voir la perception très différente que nous pouvons avoir de certains événements.
Un témoignage de vie, c’est mieux qu’un livre d’histoire
Il y a peu, une de mes petites-filles m’a proposé de taper à l’ordinateur. Elle est très intéressée par mon histoire et motivée. Je crois que c’est sa façon de m’encourager dans ce projet d’écriture. Du coup, nous avons maintenant un lien privilégié par rapport aux autres. D’ailleurs, elle me pose souvent des questions. C’est intéressant et nous permet d’avoir des échanges plus profonds qu’avant.
Toute la période où je raconte 68 l’intéresse particulièrement. Grâce à mes récits, je crois qu’elle a vraiment compris à quel point cela a marqué un basculement dans la société. Le passage d’une société autoritaire, paternaliste et organisée, à une société très libre et individualiste. Un témoignage de vie, c’est toute de même mieux qu’un livre d’histoire.
À Noël dernier, mes petits-enfants sont venus me visiter. Nous avons regardé ensemble l’un de mes albums photos et je leur ai lu un passage pas trop long de ce que j’avais écrit. Ils ont adoré et m’ont demandé la suite. Plusieurs m’ont dit qu’il n’avait jamais pensé que j’avais vécu cette expérience. Cela leur a ouvert des horizons et fait réaliser que je ne suis pas qu’un “simple grand-père” mais que j’ai eu une vie riche et mouvementée. Cela a modifié leur regard sur moi et leur considération.
Je n’ai pas la plume facile
De mon côté, je crois aussi que j’ai besoin de poser les choses à plat, faire un bilan. Essayer de trouver un fil directeur dans tout ce que j’ai vécu même si ça me semble difficile. Comme si, après avoir vécu, je voulais comprendre. C’est finalement assez étrange comme démarche. Un peu comme si j’avais vécu inconscient… En écrivant, c’est comme si je fouillais dans ma mémoire. C’est un bon exercice car cela réveille beaucoup de souvenirs que j’avais totalement oubliés. C’est une façon de lutter contre l’Alzheimer.
Aujourd’hui, j’ai plein de bouts de mémoires. Certains passages de ma vie sont vraiment écrits et finalisés. Pour beaucoup d’autres, je n’ai que des bouts, des débuts ou des fins… Il y en a un peu partout et ce n’est pas très organisé. Souvent, je commence à raconter un passage, mais sans aller au bout… Je ne m’en veux pas. Je mettrai de l’ordre à la fin. Par ailleurs, je ne suis pas écrivain, je n’ai pas la plume facile, même si j’aime bien écrire. Alors ça prend du temps.
Je ne sais pas si j’arriverai au bout. J’espère. Mais dans tous les cas, je sais qu’au moins, je laisserai des souvenirs à mes enfants et petits-enfants. Et à ça l’essentiel.
Il me reste peu de temps
Par contre, plus j’avance, plus je me rends compte qu’il est impossible de tout raconter, surtout qu’il me reste, je pense, peu de temps. J’ai quand même 81 ans ! Il faut faire un tri et aller à l’essentiel. C’est peut-être par là que j’aurais dû commencer…
Et puis, soyons franc, il aussi beaucoup de souvenirs qui ne sont pas forcément intéressants pour des lecteurs, même pour des membres de ma famille. On ne peut pas tout raconter. Ou plutôt, on ne doit pas tout raconter.
J’ai une maison principale et une maison secondaire. Or, je me rends compte aujourd’hui, que léguer ces deux biens à mes enfants n’est pas très important. J’aimerais surtout que mes enfants et petits-enfants aient accès à mon histoire, à leurs racines. Et puis un livre, c’est du concret. Ce n’est pas comme toutes ces choses virtuelles. On peut l’avoir dans sa bibliothèque, en chair et en os, et le consulter facilement. »
Recueilli par Sylvain Sismondi
* Pierre n’a pas souhaité donner son nom ni sa photo. Pierre est donc un nom d’emprunt.
Pour aller plus loin :
– Pourquoi écrire ses mémoires ? Découvrez 7 bonnes raisons
– Évelyne a écrit et publié son autobiographie. Elle témoigne.
– Comment écrire ses mémoires : la méthode